Les jeux d'argent en ligne se multiplient. Les sommes engagées et, espère-t-on, les gains sont de plus en plus importants. Quelques chiffres prouvent que ce phénomène n'est en rien un effet de mode, mais est en passe de devenir une économie numérique à elle seule.
En janvier 2003, 11,1 millions de dollars étaient échangés par jour sur les principaux sites de poker. En janvier 2004, cette moyenne était désormais de 180 millions, selon PokerPulse.com, société canadienne qui étudie l'évolution de cette économie. Pour 2005, avec environ 1,8 million de joueurs actifs 24 heures sur 24, un volume de plus de 2 milliards de dollars devrait être engagé en ligne. L'espoir de gain est tel que certains n'hésitent pas à abandonner leurs activités professionnelles pour investir dans le jeu, en devenant joueur professionnel.
Travailler en caleçon
Pour Matthew Hilger, professionnel de poker en ligne depuis quatre ans, l'un des avantages est "de pouvoir travailler en caleçon". Mais "l'excitation de jouer en ligne s'évanouit lorsque vous commencez à rester scotchés 40 heures par semaine devant votre écran". Toutefois, le gain important n'est pas à l'ordre du jour pour tous. Boyd Leys, 50 ans, a abandonné son travail à 65 000 dollars par an et une confortable situation professionnelle pour se lancer dans le jeu professionnel en ligne. Avec des gains moyens de 300 dollars par mois, ses ambitions de richesse sont revues à la baisse. "Je veux juste gagner suffisamment d'argent pour vivre. Je me donne encore trois mois, et si ça commence à marcher, je verrai jusqu'où je peux aller". Un rythme de jeu de six heures par jour, des mises de 50 à 100 dollars, personne ne flamboie dans l'anonymat du poker en ligne.
L'anonymat, c'est bien la nouvelle donne du poker en ligne. S'il permet à l'amateur d'éviter l'intimidation omniprésente dans une salle de jeu ou un casino, tout devient plus compliqué pour les joueurs professionnels issus du circuit classique. Ces joueurs se fient en grande partie aux tics, aux expressions, aux regards des joueurs installés autour d'une table pour éclairer le jeu et remporter la mise.
Handicap pour le pro
Sur Internet, rien de tout cela n'existe. "Etre confronté à de mauvais adversaires peut parfois handicaper le pro. Ils appellent, bluffent et, pire que tout, gagnent alors qu'ils ne devraient pas", explique Bill Seymour, 63 ans, conseiller de joueurs après dix années sur le circuit. Pourtant, il ne faudrait pas considérer le jeu en ligne comme une division inférieure de la scène du poker mondial. Chris Moneymaker et Greg Raymer, en sortant de l'obscurité du jeu sur l'Internet, ont remporté les World Poker Series de 2003 et 2004, au nez et à la barbe des joueurs traditionnels.
Barry Shulman, rédacteur en chef de Card Player magazine, rappelle ce qui peut être la raison fondamentale d'un tel succès. « Il ne faut pas oublier que la chance fait partie intégrante du jeu. Un golfeur correct n'aura aucune chance face à un grand professionnel. Mais un joueur correct de poker peut, n'importe quel jour, vaincre le numéro un mondial. » De quoi faire rêver des tas de joueurs en caleçon devant leur écran !