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L'enquêteur correctionnel affirme que la situation des Noirs dans les pénitenciers fédéraux canadiens ne s'est pas améliorée depuis dix ans après une enquête historique


OTTAWA, ON, le 1er nov. 2022 /CNW/ - Aujourd'hui, le 49e rapport annuel du Bureau de l'enquêteur correctionnel a été déposé au Parlement. Le rapport comprend trois enquêtes nationales, y compris des mises à jour sur les expériences et les résultats des personnes noires et autochtones en détention fédérale, ainsi qu'un examen des conditions et pratiques d'isolement restrictives depuis l'élimination de l'isolement cellulaire en 2019. Lors de sa conférence de presse, l'enquêteur correctionnel, le Dr Ivan Zinger, a mis l'accent sur la situation des prisonniers noirs au Canada, qui sont nettement surreprésentés dans les services correctionnels fédéraux.

« Aujourd'hui, je publie une mise à jour de l'enquête historique menée par le Bureau en 2013, qui se penche sur les expériences vécues par les prisonniers noirs en milieu carcéral fédéral. Je suis très déçu de constater que les mêmes problèmes et obstacles systémiques identifiés il y a près de dix ans, notamment la discrimination, les stéréotypes, les préjugés raciaux et l'étiquetage des prisonniers noirs, restent aussi répandus et persistants qu'auparavant. En fait, la situation des Noirs derrière les barreaux au Canada aujourd'hui est aussi mauvaise et, à certains égards, pire qu'en 2013 ».

Le rapport de l'enquêteur correctionnel montre que les prisonniers noirs obtiennent des résultats disproportionnellement moins bons sur les mesures clés de l'administration des peines. Plus précisément, l'enquête a révélé que les prisonniers noirs sont surreprésentés dans les établissements de sécurité maximale. En tant que groupe, les personnes noires ont tendance à purger une plus grande partie de leur peine derrière les barreaux à des niveaux de sécurité plus élevés avant de passer à des niveaux de sécurité moindres. Les personnes noires sont plus susceptibles d'être impliquées dans un incident de recours à la force, quel que soit le niveau de risque ou de sécurité, l'âge, la durée de la peine ou le sexe. Les prisonniers noirs sont surreprésentés dans les transferts involontaires. Ils font l'objet de placements plus fréquents et de durées plus longues dans des unités d'intervention structurées. Ils font l'objet de plus d'accusations pour des infractions aux règles de l'établissement et sont plus souvent désignés comme affiliés à un groupe menaçant la sécurité. Malgré des taux de récidive globalement plus faibles et de réincarcération plus faibles, les personnes noires sont plus susceptibles d'être évaluées comme présentant un risque élevé, une faible motivation et un faible potentiel de réintégration.

L'enquêteur correctionnel a souligné que ces constatations ne sont pas nouvelles, qu'elles ont déjà été documentées et que, par conséquent, le Service correctionnel aurait dû y donner suite. Il a souligné qu'en 2016, le Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine des Nations Unies a fait référence aux conclusions antérieures du Bureau et les a approuvées, tout comme le Comité sénatorial permanent des droits de l'Homme, en 2019 et à nouveau en 2021. En d'autres termes, le Service a eu amplement le temps et l'occasion de s'attaquer aux résultats disproportionnellement mauvais pour les Noirs sous sentence fédérale. 

L'enquête a révélé de nombreux exemples où les prisonniers noirs sont traités de manière discriminatoire ou injuste par rapport au reste de la population carcérale, notamment en ce qui concerne les niveaux de rémunération des détenus, l'accès aux articles de soins personnels, les emplois intéressants en prison et les possibilités de libération anticipée. Les personnes noires interrogées dans le cadre de cette enquête ont systématiquement signalé l'utilisation à leur égard d'un langage dégradant ou raciste par le personnel du SCC, ainsi que le fait d'être ignorées ou méprisées d'une manière qui accroît les sentiments de marginalisation, d'exclusion et d'isolement.

Fait très préoccupant, les détenus noirs ont fréquemment déclaré avoir été étiquetés ou traités comme des membres de gangs par le personnel du SCC, même s'ils n'avaient pas d'affiliation officielle ou active à un groupe menaçant la sécurité. Ils ont indiqué que le personnel du SCC les qualifiait de membres de gangs sur la base de divers facteurs plus ou moins pertinents, notamment le quartier où ils ont grandi, les personnes qu'ils fréquentaient dans leur quartier, leur présence au sein   des groupes de Noirs qui se rassemblent, les vêtements qu'ils portent ou la façon dont ils interagissent avec les autres. La tendance à considérer les comportements, le langage, les interactions ou les antécédents par le biais des gangs est particulièrement préjudiciable, car elle rend difficile le passage à des niveaux de sécurité inférieurs, l'obtention d'un emploi intéressant en prison ou le soutien de l'équipe de gestion des cas assignée. De plus, une fois qu'une personne est affiliée à un gang, il est presque impossible de faire disparaître cette affiliation, car le SCC offre peu de possibilités et de ressources pour rendre effective une désaffiliation.

« Malheureusement, la discrimination raciale et les préjugés continuent de suivre les Noirs dans les prisons fédérales », a déclaré le Dr Zinger. « Les besoins des personnes de noires sont à la fois uniques et ancrés dans un contexte historique et une expérience du racisme et de la discrimination dans la société canadienne. Au niveau le plus élémentaire, le système correctionnel ne doit pas servir à perpétuer les désavantages. Je demande au Service correctionnel de se pencher sur les expériences uniques vécues par les personnes noires en détention fédérale et de travailler en partenariat étroit avec les groupes communautaires noirs, les intervenants et les experts afin d'élaborer et de mettre en oeuvre les changements indispensables pour les prisonniers noirs. »

Le rapport du Dr Zinger comprend également la première d'une enquête de suivi en deux parties d'un rapport spécial qui a été déposé au Parlement en 2013 et intitulé Une question de spiritualité : Les Autochtones et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. La première partie de cette enquête indique que la surreprésentation des Autochtones dans les établissements pénitentiaires fédéraux s'est accélérée et que les disparités entre Autochtones et non-Autochtones se sont accentuées. Les Autochtones entrent de plus en plus tôt dans le système, passent beaucoup plus de temps derrière les barreaux et retournent dans les établissements pénitentiaires fédéraux à un rythme sans précédent comparativement aux personnes non-Autochtones.

« D'une année à l'autre, les prisons canadiennes sont remplies par des Autochtones qui sont pris dans la proverbiale porte tournante, subissant des situations plus graves à l'intérieur, avec peu d'options viables pour sortir et demeurer à l'extérieur », a déclaré le Dr Zinger. « J'aurai plus à dire sur ces questions une fois l'enquête terminée, mais pour l'instant, il semble qu'au plus haut niveau, le SCC n'accepte pas l'idée qu'il ait un rôle ou une influence quelconque dans la résolution de la crise perpétuelle de la surreprésentation autochtone dans les prisons canadiennes. Une culture organisationnelle et un système pénitentiaire qui résistent au changement ne peuvent que contribuer à maintenir les peuples autochtones marginalisés, criminalisés et en surreprésentation dans la population carcérale. »

Le rapport annuel 2021-2022 formule 18 recommandations au total, dont huit visant à améliorer la vie et les résultats des prisonniers noirs. Le Dr Zinger a renouvelé l'appel de son bureau pour la nomination d'un commissaire adjoint pour les services correctionnels autochtones et a recommandé que le SCC soit associé dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la Stratégie en matière de justice autochtone du ministère de la Justice du Canada. Les autres recommandations d'importance nationale sont les suivantes :

  1. Interdire tout placement de durée illimitée en cellules sèches au-delà de 72 heures.
  2. Mettre à jour la stratégie nationale antidrogue du SCC de 2007, qui continue de promouvoir une approche de tolérance zéro à l'égard des drogues derrière les barreaux.
  3. Donner la priorité à l'examen en cours du processus de classification de sécurité, en particulier en ce qui concerne les femmes autochtones.
  4. Abroger le système discriminatoire de niveau de mouvement pour les femmes dans les établissements de sécurité maximale.
  5. Fournir des options de logement aux femmes hébergées dans les unités de sécurité et travailler à la fermeture éventuelle de ces unités.
  6. Revoir les exigences du Programme mère-enfant ainsi que ses critères d'admissibilité, en vue d'en accroître l'accès et la participation et d'en supprimer les obstacles, en particulier pour les mères autochtones.
  7. Équiper les véhicules de transport des prisonniers, y compris ceux actuellement en service, de ceintures de sécurité, de poignées et d'autres dispositifs de sécurité et de garde-fou.

À titre d'ombudsman auprès des délinquants sous responsabilité fédérale, le Bureau de l'enquêteur correctionnel est au service des Canadiens et contribue à ce que les services correctionnels soient sécuritaires, humains et respectueux de la loi en assurant une surveillance indépendante du Service correctionnel du Canada, notamment en effectuant en temps opportun un examen impartial et accessible des préoccupations individuelles et systémiques. Le rapport annuel 2021-2022, ainsi qu'une synthèse du rapport, sont disponibles à l'adresse www.oci-bec.gc.ca.

Rapport annuel 2021-2022 du Bureau de l'enquêteur correctionnel

DOCUMENT D'INFORMATION

Résumé des principales enquêtes, constatations et recommandations

APERÇU

Le rapport annuel 2021-22 du Bureau de l'enquêteur correctionnel (BEC) a été déposé au Parlement le 1er novembre 2022 et comprend ce qui suit :

1. Le message de l'enquêteur correctionnel, qui met l'accent sur la capacité du Bureau à apporter des changements dans les services correctionnels fédéraux.

2. Plusieurs mises à jour sur des questions d'importance ou de préoccupation nationale, notamment : l'utilisation de cellules sèches, l'examen du programme mère-enfant, les véhicules d'escorte de sécurité, la stratégie antidrogue du Service correctionnel du Canada (SCC).

 3. Trois enquêtes au niveau national :

    1. Mise à jour sur les expériences des personnes noires dans les pénitenciers fédéraux canadiens
    2. Formes restrictives de détention dans les établissements correctionnels fédéraux (pénitenciers à sécurité maximale pour hommes)
    3. Dix ans depuis Une question de spiritualité : Enjeux autochtones dans les services correctionnels fédéraux (1re partie)

4. Perspectives de l'enquêteur correctionnel pour les services correctionnels fédéraux en 2022-23.

5. Réponses du Service correctionnel du Canada aux recommandations.

6. Annexes statistiques

Le rapport de cette année contient 18 recommandations, dont une adressée au ministre de la Justice et procureur général du Canada.

ENQUÊTES NATIONALES

Mise à jour sur les expériences des personnes noires dans les pénitenciers fédéraux canadiens

Objectif et contexte

Cette enquête met à jour l'enquête historique menée par le Bureau en 2013, qui examinait les expériences et les résultats des prisonniers noirs dans les pénitenciers fédéraux. C'est l'occasion pour le gouvernement de s'attaquer à la discrimination et au racisme dans le traitement des personnes noires derrière les barreaux, sur base des constatations qui avaient déjà été documentées par le Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine des Nations Unies en 2016, ainsi que par deux rapports du Comité sénatorial permanent des droits de l'homme publiés en 2019 et 2021.   

Constatations

  1. Mener une étude comparative, afin d'examiner le temps cumulé passé par les personnes noires avant leur reclassification et leur passage à des niveaux de sécurité inférieurs.
  2. Procéder à un examen systémique de l'utilisation des critères de classification des individus au sein des groupes menaçant la sécurité.
  3. Améliorer la formation du personnel sur la diversité afin d'inclure une représentation des groupes de la communauté noire et des experts externes.
  4. Élaborer une stratégie nationale qui aborde spécifiquement les expériences vécues et les obstacles uniques auxquels sont confrontés les Noirs purgeant une sentence fédérale.

ENQUÊTES NATIONALES

Formes restrictives de confinement dans les établissements pénitentiaires fédéraux

Objectif

Cette enquête examine les conditions et les pratiques d'isolement restrictif (définies comme celles qui permettent moins de quatre heures de sortie hors cellule par jour) dans les établissements à sécurité maximale pour hommes depuis l'abolition de la ségrégation administrative (isolement cellulaire) en 2019. 

Constatations

  1. Les activités significatives en dehors de la cellule sont limitées ou peu attrayantes. Pas de programmes, pas de possibilités de travail rémunéré, et l'accès à l'éducation est limité aux études en cellules.
  2. Le temps passé hors de la cellule est limité à la zone située derrière des barrières verrouillées.
  3. Les espaces communs, les espaces de loisirs et les cours sont souvent peu attrayants et austères.
  4. Les repas sont généralement pris dans les cellules ou dans les salles communes.

ENQUÊTES NATIONALES

Dix ans depuis Une question de spiritualité : Enjeux autochtones dans les services correctionnels fédéraux (1re partie)

Objectif et contexte

Il s'agit de la première partie d'une enquête nationale en deux parties, destinée à examiner les progrès réalisés dans le domaine des services correctionnels autochtones dix ans après Une question de spiritualité : Les Autochtones et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, déposée comme rapport spécial au Parlement en mars 2013.

Constatations

  1. Accroître le recours aux pavillons de ressourcement en vertu de l'article 81, aux libérations anticipées dans la communauté en vertu de l'article 84 et à une mobilisation auprès des communautés autochtones;
  2. Améliorer la qualité des programmes tenant compte des spécificités culturelles;
  3. Créer des outils de dépistage, d'évaluation des risques et de classification spécifiquement adaptés aux personnes autochtones;
  4. Consolider le leadership, la représentation des employés et la compétence culturelle autochtone de l'ensemble du personnel.
  1. La représentation des Autochtones au sein du personnel du SCC, en particulier aux postes clés de direction, accuse un retard (10 % du personnel du SCC s'identifie comme autochtone contre 32 % des personnes incarcérées).
  2. Les aînés sont trop peu nombreux et trop dispersés (ratio de 30 personnes autochtones pour un aîné).
  3. Absence d'une stratégie nationale d'engagement communautaire élaborée en collaboration avec les communautés autochtones.
  1. Créer un poste de commissaire adjoint aux services correctionnels autochtones -- un poste dédié qui sera occupé par une personne autochtone -- et que le SCC rende compte publiquement de ses plans et de ses échéances à court terme pour mener à bien cette mesure de dotation.
  2. Le Service correctionnel du Canada et le Bureau de l'enquêteur correctionnel devraient être associés à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la Stratégie en matière de justice autochtone (SJA), pilotée par le ministère de la Justice du Canada. De plus, la SJA devrait redistribuer une partie importante des ressources du SCC aux communautés autochtones pour la prise en charge, la garde et la supervision des peuples autochtones. 

AUTRES RECOMMANDATIONS

  1. Interdire tout placement à durée illimitée en cellules sèches au-delà de 72 heures.
  2. Mettre à jour la stratégie nationale antidrogue du SCC de 2007, qui continue de promouvoir une approche de tolérance zéro à l'égard des drogues derrière les barreaux.
  3. Donner la priorité à l'examen en cours du processus de classification de sécurité, en particulier en ce qui concerne les femmes autochtones.
  4. Abroger le système discriminatoire de niveau de mouvement pour les femmes dans les établissements de sécurité maximale.
  5. Fournir des options de logement aux femmes hébergées dans les unités de sécurité et travailler à la fermeture éventuelle de ces unités.
  6. Revoir les exigences et les critères d'admissibilité au Programme mère-enfant, en vue d'en accroître l'accès et la participation et d'en supprimer les obstacles, en particulier pour les mères autochtones.
  7. Équiper les véhicules de transport des prisonniers, y compris ceux actuellement en service, de ceintures de sécurité, de poignées et d'autres dispositifs de sécurité et de garde-fou.

SOURCE Office of the Correctional Investigator (OCI)


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