Le Lézard
Sujet : Plaidoyer (politique)

Que veut Montréal pour les Marchés publics ?


MONTRÉAL, le 5 sept. 2019 /CNW Telbec/ - Quatre bâtisseurs des marchés publics de Montréal (les Marchés) ont senti le besoin d'intervenir à la suite de commentaires émis dans les médias. Parlant au nom de plus de soixante producteurs maraîchers, ils  se disent inquiets pour l'avenir des Marchés qu'ils ont bâti depuis des décennies, notamment celui du marché Jean-Talon.

Au cours des dernières semaines, beaucoup a été dit et écrit sur le futur du Marché Jean-Talon sans que l'on sache vraiment les intentions de la Ville de Montréal. « Ce 'est pas clair ce que veut la Ville, on entend beaucoup de choses et c'est inquiétant, » a lancé le président-fondateur de l'organisme à but non lucratif (OBNL), la Corporation des marchés publics de Montréal (La Corporation), M. Jean-Guy Brais, lors d'une conférence de presse tenue aujourd'hui,

Rappel des faits
En 1993, jugeant les coûts de maintien des activités des Marchés trop élevés, la Ville de Montréal cédait aux marchands la gestion. Ainsi, la Corporation, voyait le jour il y a plus de 25 ans avec un  conseil d'administration composé majoritairement de maraîchers membres de ladite Corporation (les Membres).

Au fil des ans, les Membres de l'OBNL ont construit le marché, ils ont géré les activités, ils lui ont donné une vie et ils l'ont doté d'une âme prisée par tant de montréalais. La Ville limitait son rôle à celui de locateur des installations.

Au cours de cette période, les produits locaux ont été privilégiés lorsqu'ils étaient en saison permettant ainsi aux Membres, producteurs de la région, d'y vendre leur inventaire. Graduellement, pour répondre aux besoins grandissants de leur clientèle, les Membres ont élargi leur offre en revendant d'autres produits que les leurs. Ils devenaient alors des membres commerçants. « Nous pouvons ainsi offrir des produits que personne ne produit localement, des ananas, des kiwis, des oranges et des bleuets du Lac-Saint-Jean. Si non, les consommateurs devront aller dans un marché de grande surface, » a précisé le 1er vice-président de l'Association des producteurs de fraises et de framboises du Québec, M. Michel Sauriol.

Ainsi, les Membres pouvaient offrir aux consommateurs des produits à longueur d'année et développer avec eux une relation de confiance. La revente est vite devenue une question de survie. « Personne ne peut survivre dans les Marchés en ne vendant que ses propres fruits et légumes. Il nous faut une offre diversifiée, toute l'année. Comment pouvons-nous penser vendre des fraises locales en février ? Impossible. Le temps de récolte est trop court, » déclarait M. Sauriol.

Le temps du producteur qui venait écouler sa marchandise le samedi dans un kiosque extérieur est révolu. Pour M. Serge Marticotte, membre du conseil d'administration de la Corporation jusqu'en février 2019, se limiter à la production locale dessert les consommateurs. « Les Membres répondent aux besoins des consommateurs. Ceux-ci veulent des produits locaux le plus longtemps possible, mais ils veulent aussi tout trouver dans les Marchés. Si on nous limite à la production locale, ce ne serait plus possible. Les consommateurs veulent des produits à longueur d'année, vendus par un marchand qu'ils connaissent et en qui ils ont confiance. »

Bien que les marchés soient en bonne santé, que les produits soient disponibles et que les consommateurs y trouvent leur compte, il faut noter un intérêt grandissant pour les produits biologiques. Toutefois, cette production est présentement, et pour plusieurs années encore, incapable de répondre aux besoins des consommateurs toute l'année. Des marchands établis vendent donc les produits de producteurs et artisans parce que ceux-ci n'ont pas les ressources financières ou humaines pour maintenir un kiosque 365 jours par année. C'est le cas de Frédérique Roy Trempe, jeune propriétaire d'un kiosque qui représente au Marché Jean-Talon une quarantaine d'entreprises québécoises.

Une lettre qui en dit long
Une récente lettre datée du 27 août 2019 provenant du Cabinet de la mairesse et du comité exécutif adressée à la directrice générale de la Corporation, Mme Isabelle Laliberté, confirme les intentions de la Ville de contrôler les destinés du Marché. «... Nous appuyons les démarches entreprises au cours des derniers mois par les administrateurs démissionnaires et les nouveaux gestionnaires de la Corporation... Et nous oeuvrons, depuis décembre 2018, à répondre aux recommandations du Contrôleur général afin de nous impliquer davantage dans notre relation avec la Corporation...» écrit au troisième paragraphe, le responsable du développement économique et commercial, du design et de l'habitation, M. Robert Beaudry.

M. Beaudry signe un autre propos troublant. « En effet, nous souhaitons que les marchés publics jouent un plus grand rôle dans la mise en valeur des produits d'ici, dans le développement des petites et moyennes entreprises du secteur bioalimentaire, dans le soutien à la relève agricole et dans les efforts de la transition biologique. » Ces propos ont fait sursauter M. Brais. « C'est clair, il semble qu'ils veulent prendre le contrôle et éliminer certains marchands présents depuis des décennies. »

Il faut se questionner sur les motifs de la Ville. Sur la base d'allégations contenues dans un rapport du Contrôleur général de la Ville de Montréal, dont les membres de la Corporation n'ont jamais eu copie ou pu consulter, la Ville souhaite une réorganisation de la Corporation, notamment au niveau de la gouvernance. En créant un conseil d'administration dont la majorité des membres ne sont pas des membres commerçants, la Ville veut, en quelque sorte, prendre le contrôle et imposer ses orientations. « En agissant ainsi, la Ville rejette l'esprit des fondateurs du Marché, soit la gestion par les pairs, une forme d'autoréglementation qui a fait ses preuves, » a tenu à préciser M. Brais.

D'ailleurs, Me Jean Lozeau déposait récemment au nom de quatre membres de la Corporation, une demande visant à faire clarifier par la Cour les droits de chacun. Le Tribunal sera saisi le 10 septembre à Montréal.

Des cessations de baux
Certains articles de journaux laissent entendre que certains membres de la Corporation auraient illégalement cédé des espaces commerciaux. La vérité c'est que la convention entre la Corporation et les membres le permet. Pour M. Marticotte, « c'est du salissage visant à dénigrer le modèle de fonctionnement pour reprendre le contrôle. Pourquoi discréditer ainsi ceux qui ont construit les Marchés en les faisant passer pour des criminels ? »

Ce qu'ils demandent
Voulant conserver leurs commerces, les marchands et ceux qu'ils représentent ont réclamé de la Ville plus de transparence et qu'elle s'assoit avec eux pour discuter des points d'amélioration. « Si on veut donner une nouvelle vocation, si on veut régler certaines difficultés, si on veut faire de la Corporation un organisme municipal, qu'on en discute ouvertement, franchement et en toute transparence. Pourquoi vouloir tout changer si ce n'est pas brisé. Pourquoi jeter le bébé avec l'eau du bain ? Si des ajustements doivent être faits, on les fera, comme on les a toujours faits. » C'est en ces termes que les quatre bâtisseurs ont terminé leur point de presse.

À propos de Jean-Guy Brais
Maraîcher à la retraite, Jean-Guy Brais a été le président-fondateur de la Corporation des marchés publics de Montréal en 1993 et a été membre du conseil d'administration durant 14 ans.

À propos de Frédérique Roy Trempe
Propriétaire d'un kiosque au Marché Jean-Talon où elle offre divers produits provenant de 40 entreprises québécoises, Frédérique Roy Trempe détient un doctorat en études urbaines.

À propos de Michel Sauriol
Michel Sauriol est présentement 1er vice-président de l'Association des producteurs de fraises et de framboises du Québec et il est aussi administrateur de l'Association des producteurs maraîchers du Québec.

À propos de Serge Marticotte
Serge Marticotte  maraîcher et ancien analyste en gestion financière au Mouvement Desjardins, a siégé au conseil d'administration de la Corporation des marchés publics de Montréal jusqu'en février 2019.

SOURCE Groleau Gauthier Plante



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