Le Lézard

La liberté d'expression est-elle menacée sur le Net?


Cette semaine, Paris est l'hôte d'un sommet international sur l'utilisation de l'Internet comme outil de propagande par les groupes d'extrêmes droites qui font généralement de leurs sites Internet des lieux de xénophobie, de racisme et d'antisémitisme. Or, l'interdiction et la fermeture de ces sites ne seraient-elles pas une forme d'intolérance et de brimade contre la liberté d'expression, questionnent les Américains?



Une soixantaine de pays participants à la conférence débattent actuellement des possibles mesures à prendre pour s'assurer que le racisme et la montée de l'intolérance que connaissent plusieurs pays européens, entre autres la France, ne prennent plus de place dans le débat politique. En effet, on craint beaucoup cette nouvelle montée de la droite qui recrute ses membres à partir de leurs nombreux sites de propagande sur le Net. On se rappellera qu'aux dernières élections françaises le Parti de Le Pen, le Front National, avait réussi à se rendre au deuxième tour des présidentielles. Selon un rapport britannique, le nombre de sites d'extrême droite aurait fait un bond prodigieux de 300% dans quinze des pays de l'OCDE dans les derniers quatre ans.

La France, qui fait figure de leader à l'heure actuelle dans la lutte contre la haine et l'intolérance, a de la difficulté à convaincre les Américains que des mesures plus strictes doivent être adoptées pour limiter l'usage de la haine dans les messages propagandistes de la droite. Elle propose, avec bon nombre d'appuis de la part de d'autres pays européens, un durcissement des codes de conduite des fournisseurs Internet pour limiter voire retirer les sites à caractère haineux. Elle déplore également le fait que beaucoup de ces sites sont hébergés aux États-Unis là où la loi, plus ouverte à ce sujet, permet aux propagandistes une interprétation plus clémente de la liberté d'expression.

À cela l'assistant au procureur général du département de la justice américaine, Dan Bryant, rétorque que "les gouvernements qui font des efforts en faveur de la restriction de la liberté d'expression sur l'Internet ont fondamentalement tort." Selon Bryant, la meilleure façon de prévenir ce genre de contenu sur l'Internet est par l'éducation, la promotion de la tolérance et le développement des idées pour contrer les discours démagogues. Quand on sait à quel point se spécialisent les Américains dans la répression des crimes, ce genre d'arguments laisse perplexe.

Par contre, ce discours va de pair avec la philosophie américaine qui s'est instaurée comme le phare mondial en matière de protection du droit à la liberté d'expression. Ce droit est garanti par le premier amendement de la Constitution des États-Unis. Quant à l'idée de laisser aux fournisseurs Internet le pouvoir de juger et de retirer les soi-disant sites aux contenus haineux sans donner à l'accusé le droit de se défendre, cela équivaut à les mettre sur le même pied d'égalité que les tribunaux selon les groupes de défense des droits civils. On croit d'ailleurs que cette mesure ne peut qu'être inefficace puisque ces sites auront toujours le loisir de se déplacer dans des pays où les lois sont plus favorables.

Jusqu'à présent, Washington refuse toujours de ratifier le traité international de la convention sur le cybercrime Europe 2001. La convention devrait, en principe, entrer en vigueur le premier juillet, mais sans la signature d'une majorité de pays elle a peu de chance de voir le jour. Alors que les États-Unis ont adopté le Patriot Act dans la foulée des événements du 11 septembre 2001, permettant l'arrestation sans mandat, limitant la propagande aux États-Unis de groupes islamistes, luttant avec acharnement contre la pornographie infantile sur le Net, il est plutôt paradoxal que ceux-ci refusent de ratifier un protocole qui donnerait du mordant à leurs efforts de répression envers les crimes terroristes commis sur l'Internet.

Publié le 16/06/2004 à 22h27 par François Duchesne


Nouvelle précédente:
Un pare-feu IDE

Autres nouvelles publiées en ce 16 juin:

2001
De la pub, trop de pub!
2003
Fin de l'espionnage par Netscape
Terroristes: attention à vos fesses!
2005
Un successeur au Concorde
Cher cher distribuer des espiogiciels!
2006
Bill Gates quitte Microsoft
Bush ne veut pas de Lenovo
2008
Le cul-de-sac BitTorrent