MONTRÉAL, le 27 janv. 2021 /CNW Telbec/ - Si les disparitions et les assassinats de femmes ou de filles autochtones ne sont pas un phénomène récent, ils sont devenus des enjeux publics incontournables, notamment depuis le lancement de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées au Canada (2015) ainsi que la Commission Viens au Québec (2019). Une équipe de chercheures de l'Université du Québec à Montréal (UQAM), en collaboration avec l'organisme Femmes autochtones du Québec, s'est intéressée à la situation de Montréal qui, parmi les villes du Québec, dénombre la plus importante population autochtone. Quelle est la réponse du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) relativement aux disparitions et aux assassinats de femmes et de filles autochtones?
Constats
Depuis la signature de l'Accord de collaboration de 2015 entre le SPVM et le Réseau pour la stratégie de la communauté autochtone urbaine de Montréal, accord visant à améliorer l'intervention du corps policier auprès de cette population, les chercheures et les personnes consultées lors de l'étude constatent des progrès en la matière, mais l'absence d'une mise en oeuvre efficace.
« Le rapport de recherche soulève une absence réelle de coopération de la part du SPVM. Il y a un consensus sur la nécessité de collaborer, mais peu d'actions sont posées par les autorités. Pour obtenir des résultats véritables, le SPVM devra passer de la parole aux actes », affirment les cochercheures de l'étude Dominique Bernier, Doris Farget et Mirja Trilsch, toutes trois professeures au Département des sciences juridiques de l'UQAM.
Selon elles, malgré les bonnes intentions de certaines personnes, dont l'agent de liaison autochtone en poste depuis la signature de l'Accord, le manque d'attention et de sensibilité envers les femmes autochtones est assez répandu au sein du SPVM. Les attitudes racistes et les interventions policières discriminatoires envers les femmes autochtones ont pour conséquence principale l'absence de prise au sérieux des disparitions et meurtres de ces dernières.
« Le racisme systémique tue », affirme Viviane Michel, présidente de Femmes autochtones du Québec.
Les chercheures démontrent que les interventions réussies, à ce jour, découlent de la volonté et de la sensibilité de certains agents. Il semble toutefois manquer d'une vision commune et d'un engagement institutionnel de la part du SPVM en matière de lutte contre les disparitions et assassinats de femmes et de filles autochtones.
« Un préalable à une collaboration appropriée et efficace est l'existence d'une relation de confiance entre les parties prenantes. Nos entretiens avec les participantes et participants nous ont permis de constater que cette relation fait actuellement défaut. Cela vient corroborer un constat de la Commission Viens à l'effet qu'un « profond sentiment de méfiance habite les peuples autochtones eu égard aux services policiers », expliquent les professeures Dominique Bernier, Doris Farget et Mirja Trilsch de l'UQAM.
L'un des axes de la Stratégie de réconciliation avec les peuples autochtones 2020-2025 de la Ville de Montréal s'articule d'ailleurs autour de l'amélioration du sentiment de sécurité des Autochtones dans la métropole.
Un triste constat assombrit le tableau selon les cochercheures : toutes les femmes et filles autochtones sont à risque de disparaître ou d'être assassinées. Plusieurs d'entre elles sont placées, ou demeurent, dans une situation de vulnérabilité à des atteintes à leurs droits humains, universellement reconnus, en particulier à leurs droits à la vie, à la liberté et à la sécurité.
« Le manque de services adaptés aux communautés autochtones et à leurs membres par diverses instances publiques, dont le SPVM, accroît ce phénomène. C'est un constat alarmant qui devra nécessiter des réflexions en profondeur », ajoutent-elles.
Pistes de solution
L'étude a révélé que le phénomène des disparitions et des assassinats de femmes et de filles autochtones à Montréal est notamment la conséquence d'un décalage important entre, d'une part, les intentions déclarées de la direction du SPVM de vouloir remédier à la situation, et, d'autre part, l'ampleur et l'efficacité des mesures mises en place pour le faire.
Selon les chercheures, une approche basée sur les droits humains, notamment le droit à une égalité réelle, est la clé pour une collaboration saine et respectueuse.
« La réponse du SPVM doit être ancrée dans la non-discrimination, l'inclusion et la participation des communautés autochtones et de leurs membres. Cela implique notamment de reconnaître et de tenir compte des besoins et de l'expertise des communautés et organismes autochtones. », évoquent-elles.
Viviane Michel ajoute pour sa part : « Nos femmes doivent se voir garantir le respect de leurs droits humains, en particulier à la vie et à la sécurité, sans discrimination. Il est important de rappeler que les obligations du SPVM en matière de protection de ces droits ne se limitent pas à retrouver une femme autochtone disparue. Elles comportent également un devoir de prévention, de diligence, et cela passe par une coopération réelle avec les organisations autochtones. »
Recommandations
De ces pistes de solutions découlent plusieurs actions concrètes devant être posées par le SPVM pour améliorer sa réponse face aux assassinats et aux disparitions de femmes et de filles autochtones :
À propos de l'étude
Cette recherche a e?te? re?alise?e dans le cadre du projet Looking out for each other - Assisting Aboriginal Families and Communities when an Aboriginal Woman Goes Missing (LOFEO), une initiative de recherche-action sous le leadership du New Brunswick Aboriginal Peoples Council (NBAPC) et de Jula Hughes lorsqu'elle était professeure à la Faculte? de droit de l'Université du Nouveau-Brunswick. Elle est maintenant doyenne de la Faculté de droit de l'Université Lakehead.
Le volet que?be?cois du projet a été de?veloppé et re?alisé en partenariat entre Femmes autochtones du Que?bec (FAQ) et les professeures Dominique Bernier, Doris Farget et Mirja Trilsch de la Faculte? de science politique et de droit de l'UQAM, avec l'appui de la Clinique internationale de de?fense des droits humains de l'UQAM (CIDDHU).
Consulter la synthèse du rapport
Les cochercheures de l'étude ainsi que la présidente de Femmes autochtones du Québec sont disponibles pour des entrevues.
SOURCE Université du Québec à Montréal