Lettre ouverte de la part Grand Chef Konrad Sioui de la Nation huronne-wendat à la chronique de Mario Dumont : « Le politiquement correct devenant indigeste » de mercredi 29 novembre 2017
WENDAKE, QC, le 1er déc. 2017 /CNW Telbec/ - Suite à la parution de la chronique, « Le politiquement correct devenant indigeste » parue dans le Journal de Montréal le mercredi 29 novembre 2017, le Grand Chef de la Nation huronne-wendat, M. Konrad Sioui, a transmis à Mario Dumont la lettre suivante en réponse à cette chronique.
Kwe mon cher Mario,
La dernière fois que je t'ai parlé de vive voix, c'était à Rivière-du-Loup, à la Cage aux Sports. Tu étais accompagné de ton épouse et avec mes enfants, nous nous étions permis, avec respect, d'aller te saluer puisque notre mère Éléonore t'aimait bien. Elle demeurait à la « Pointe des Sauvages » dans une des dernières petites cabanes d'indiens, tout près du traversier.
Après, je ne t'ai malheureusement jamais revu en personne. Par contre je continue de te voir à la télévision et t'écouter et à la radio. J'apprécie tes prises de position et ta science politique. Tu sais communiquer.
À propos de tes derniers écrits, par contre, une meilleure analyse aurait été nécessaire. Je te réfère à ton texte du 29 novembre dernier dans le Journal de Québec, intitulé : Le Politiquement correct devenant « indigeste ». Les indigènes dont du parles et dont je fais partie, possèdent leur propre version de l'histoire qui, mon cher Mario de Cacouna, commence tout juste à être écoutée et comprise. Tu as le réflexe de te référer à ces vieux anthropologues et aux soi-disant historiens du dimanche comme source de référence plutôt que de nous parler à nous les « indigènes ». Souhaiterais-tu qu'un pseudo historien breton nous fasse des leçons sur l'histoire du Québec? Poser la question, c'est y répondre...
D'ailleurs, si ma mémoire est bonne, je ne me souviens pas t'avoir jamais vu, ni entendu, ni lu en conversation avec nous, les « indigènes ». En tout cas, puisque ton article parle de mon peuple, les Hurons-Wendat, tu ne m'as jamais appelé afin de connaître notre propre version de l'histoire d'Hochelaga ni de Stadaconné. Passe me voir à Wendake et réserve-toi quelques heures, j'en ai long à te raconter.
Si tu m'avais parlé, je t'aurais dit que je suis extrêmement heureux qu'enfin quelqu'un de crédible médiatiquement comme toi dans ce Québec moderne, s'intéresse à nous et affiche publiquement son appui à la reconnaissance de nos peuples à travers cette réconciliation si nécessaire à l'exercice, déjà trop long, de guérison.
Je t'aurais confié qu'avant la visite officielle de la première ministre de l'Ontario, madame Kathleen Wynne le 21 septembre dernier, jamais personne au Québec n'avait osé remercier publiquement telle ou telle Nation pour son accueil historique en terre « indigène ». Je t'aurais fait comprendre combien cela fait du bien d'entendre un représentant politique, prononcer ces mots magiques et si simples à la fois. Je t'aurais aussi dit que Mme Wynne nous confiait, à M. Couillard et à moi-même, avoir toujours procédé ainsi depuis qu'elle avait été nommée Ministre il y a plus d'une dizaine d'année. Je t'aurais fait rire en te disant que monsieur Couillard avait prononcé ces mêmes mots de remerciement, tout juste après madame Wynne, peut-être pour répondre fortuitement à la délicatesse de cette Première Ministre. Enfin, je t'aurais invité, mon cher Mario, à faire attention de ne pas écraser le souffle de l'enfant « indigène » qui a tellement besoin de toi, de ta force et de ton appui.
Tes gestes et tes paroles envers nous, de même que ta compréhension de notre propre interprétation de l'histoire te feront grandir encore plus. Quant à nous, sois certain que nous n'utiliserons jamais le mot « indigeste » pour te pourfendre si jamais nous n'étions pas d'accord avec tes propos. Toutes les Nations ont droit au respect, à la dignité et à l'honneur, qu'elles soient Mohawk, Algonquine, Huronne-Wendat ou Québécoise.
Önenh! Tiawenhk! Mario
Konrad H. Sioui
Grand Chef
SOURCE Conseil de la Nation huronne-wendat
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