Le Lézard
Sujet : Droit / Problèmes légaux

Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation à la suite de l'analyse d'une nouvelle enquête sur le décès d'une femme retrouvée à Val-d'Or le 16 novembre 1991


QUÉBEC, le 21 sept. 2017 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport d'enquête produit par la Sûreté du Québec (SQ), à la suite d'une nouvelle enquête, menée initialement par la Sûreté municipale de Val-d'Or, portant sur le décès d'une femme retrouvée à Val-d'Or le 16 novembre 1991, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut ne pas être raisonnablement convaincu d'être en mesure d'établir la culpabilité de quiconque. En conséquence, aucune accusation criminelle ne sera déposée dans ce dossier.

La procureure en chef de la région du Nord-du-Québec du DPCP a procédé à un examen exhaustif des faits contenus aux rapports d'enquête afin d'évaluer si ceux-ci révèlent la commission d'infractions criminelles. Sa décision est basée les rapports d'enquête préparés par la SQ en 2017 et la Sûreté municipale de Val-d'Or en 1991. La procureure en chef a informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.

Critères à l'origine de la décision de poursuivre

En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal. Ainsi, après examen du rapport d'enquête, le procureur doit d'abord évaluer la suffisance de la preuve en tenant compte de l'ensemble de la preuve admissible, y compris celle qui pourrait soutenir certains moyens de défense. À l'issue de cette analyse, le procureur doit être raisonnablement convaincu de pouvoir établir la culpabilité du prévenu. Le cas échéant, il considère aussi les critères relatifs à l'opportunité d'engager une poursuite au regard de l'appréciation de l'intérêt public.

La norme applicable à la décision d'entreprendre une poursuite est prévue dans la directive ACC-3 du DPCP. La plupart des poursuivants publics au Canada disposent de directives qui imposent une norme semblable. En outre, les tribunaux reconnaissent que cette norme est plus exigeante que celle des simples motifs raisonnables et probables de croire qu'une personne a commis une infraction. Ils estiment aussi qu'un seuil moins élevé permettant l'introduction d'une poursuite serait incompatible avec le rôle du poursuivant en sa qualité d'officier de justice responsable d'assurer le respect et la recherche de la justice, puisque la responsabilité première du procureur consiste en effet à s'assurer que justice soit rendue. Conséquemment, le procureur ne cherche pas à obtenir une condamnation à tout prix et doit éviter de porter des accusations si la preuve est insuffisante. Le procureur doit procéder à une appréciation professionnelle du fondement juridique d'une poursuite et ce n'est pas son opinion personnelle sur la culpabilité qui importe. Son examen doit demeurer objectif, impartial et critique. La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique.

Événement du 16 novembre 1991

La Sûreté municipale de Val-d'Or mène l'enquête initiale en 1991. Celle-ci ne permet pas de déposer d'accusation.

Au terme de l'enquête policière, le substitut du procureur général chargé d'analyser le dossier, refuse de porter des accusations, faute de preuve suffisante.

En 2017, les enquêteurs de la SQ récupèrent l'ensemble de la preuve du dossier d'enquête de la Sûreté municipale de Val-d'Or de 1991 et procèdent à la reprise de l'enquête en vue de soumettre le résultat de celle-ci pour analyse au DPCP.

Le 6 novembre 1991, une altercation impliquant un échange de coups survient entre la victime et deux femmes, dont une mineure. La preuve démontre qu'à ce moment, toutes les personnes impliquées sont intoxiquées par l'alcool. Les coups portés à la victime causent certaines lésions sans toutefois contribuer au décès tel que le conclut le pathologiste.

Les diverses versions, contenues dans la preuve analysée, soulèvent confusion et contradictions sur la suite des événements.

Après l'altercation, la victime est laissée seule derrière un motel. Elle est consciente et se trouve dans une crique (eau) et demande de l'aide. Dans les heures qui suivent l'événement, les femmes impliquées dans l'altercation quittent le motel sans chercher à retrouver la victime. Des livreurs de bières ont aperçu la victime, mais ne lui ont pas prêté assistance croyant que c'était une personne intoxiquée qui se reposait à cet endroit.

La victime est retrouvée gelée, dix jours plus tard, la tête contre le sol derrière le motel. Le pathologiste conclut à un décès par hypothermie.

Analyse juridique

Il importe de réitérer qu'à la lumière de la preuve analysée, la trame factuelle des événements demeure confuse. Or, cette situation explique l'incapacité de démontrer hors de tout doute raisonnable la culpabilité de quiconque devant le tribunal.

L'article 2 de la Charte des droits et libertés de la personne édicte que :

« Tout être humain dont la vie est en péril a droit au secours.

« Toute personne doit porter secours à celui dont la vie est en péril, personnellement ou en obtenant du secours, en lui apportant l'aide physique nécessaire et immédiate, à moins d'un risque pour elle ou pour les tiers ou d'un autre motif raisonnable. »

Au moment des événements, malgré que la victime demande de l'aide, cette dernière n'est ni inconsciente, ni blessée de façon à ce qu'elle soit incapable de se mouvoir. Elle est trempée et sans manteau. Cependant, c'est son état d'ébriété qui va vraisemblablement l'empêcher de se relever. Donc, lorsqu'elle demande secours, les deux femmes n'ont pas le devoir de le faire puisqu'à ce moment précis, la vie de la victime n'est pas en péril.

En poussant l'analyse plus loin, en considérant, si tel était le cas, qu'une obligation légale s'imposait aux deux femmes, la jurisprudence enseigne que :

« Le devoir légal d'agir de l'article 2 de la Charte des droits et libertés de la personne ne crée pas, en soi, une infraction criminelle. Ce qu'il édicte peut constituer un élément à considérer dans l'appréciation de la conduite d'une personne en rapport avec une infraction impliquant la négligence criminelle, mais une omission d'agir, dégagée de toute autre considération, n'est pas un crime. »

La négligence criminelle

En ce qui concerne de possibles accusations de négligence criminelle, l'ensemble de la preuve a été évalué et celle-ci s'avère insuffisante pour permettre d'établir la culpabilité de qui que ce soit.

La simple négligence dans l'accomplissement d'un acte ou le fait de ne pas remplir une obligation imposée par la loi sont insuffisants pour conclure à la négligence criminelle. Le Code criminel exige en plus que cette conduite soit d'une négligence telle qu'elle dévoile une insouciance « déréglée ou téméraire à l'égard de la vie ou de la sécurité d'autrui ». La conduite doit donc représenter « une dérogation marquée à la norme de conduite d'une personne raisonnablement prudente » distinguant ainsi la faute civile de la faute criminelle.

Or, aucune des personnes présentes ne peut être considérée comme ayant été négligente dans l'omission de porter assistance suivant la norme requise en matière criminelle.

L'homicide involontaire coupable

À la lumière de la preuve contenue au dossier d'enquête malgré l'altercation et la commission de voies de fait lors de l'échange de coups avec la victime, cette dernière est décédée d'hypothermie. Les blessures subies lors de l'acte illégal n'ont pas causé le décès.

Les voies de fait

Lorsqu'une infraction peut être poursuivie par procédure sommaire ou par mise en accusation, le procureur évalue d'abord la possibilité de procéder par procédure sommaire, à moins que, considérant l'ensemble des circonstances de l'espèce, la procédure par mise en accusation lui apparaisse plus appropriée.

En l'espèce, l'infraction devrait être poursuivie par procédure sommaire, mais la prescription de six mois prévue au Code criminel est largement acquise.

En conséquence, aucune accusation ne sera déposée dans ce dossier.

Lignes directrices sur la publication des motifs

Le 11 décembre 2015, le DPCP a annoncé l'adoption de lignes directrices qui autorisent et encadrent la publication des motifs qui étayent sa décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers. La publication de ce type de motifs revêt un caractère exceptionnel qui repose non seulement sur des considérations de nature juridique, mais aussi sur l'importance de respecter la vie privée et la réputation des victimes ainsi que des personnes qui font l'objet d'une enquête lorsque la preuve est insuffisante pour permettre le dépôt d'accusations criminelles.

Le DPCP estime que les circonstances exceptionnelles de ce dossier justifient, dans l'intérêt public et afin de préserver la confiance de la population envers l'administration de la justice et l'institution du DPCP, la publication de cette décision.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales

Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes. Pour en savoir davantage : www.dpcp.gouv.qc.ca.

Source :
Me Jean Pascal Boucher
Porte-parole
Directeur des poursuites criminelles et pénales
418 643-4085

 

SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales



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